AIRBNB : La règlementation bruxelloise contraire au droit de l’Union?

Synthèse

Par deux arrêts du 15 novembre 2024, la Cour d’appel de Bruxelles a saisi la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) afin de vérifier la conformité de l’ordonnance du 8 mai 2014 sur l’hébergement touristique, notamment pour les plateformes comme Airbnb, avec le droit européen.

Contexte juridique

Depuis 2016, cette ordonnance impose aux exploitants Airbnb une obligation d’enregistrement, conditionnée par l’obtention de documents attestant la conformité urbanistique et la sécurité incendie des logements. Ces exigences, accompagnées de procédures administratives lourdes, constituent un frein à l’activité économique.

Deux questions se posent :

  1. L’ordonnance peut-elle restreindre l’accès à une activité économique sans enfreindre le droit européen ?
  2. Le cumul des contraintes administratives (enregistrement et permis d’urbanisme) est-il proportionné et conforme à la directive « Services » ?

Le litige

Une société d’hébergement touristique a contesté des ordres de cessation d’activité devant le Tribunal de première instance de Bruxelles, arguant d’une incompatibilité avec le droit européen. Déboutée en première instance, elle a fait appel. La Cour d’appel, après examen de la réglementation, a décidé de poser plusieurs questions préjudicielles à la CJUE.

Portée des questions préjudicielles

L’avenir du régime d’autorisation instauré par l’ordonnance de 2014 et l’arrêté du 24 mars 2016 dépendra des réponses de la CJUE. En substance, la Cour d’appel interroge la CJUE sur plusieurs points :

Cette affaire met en lumière une insécurité juridique persistante et les doutes de la Commission européenne sur la conformité du cadre réglementaire bruxellois à la directive « Services ». La décision de la CJUE apportera des clarifications essentielles sur l’avenir d’Airbnb à Bruxelles.

Affaire à suivre…

A toutes fins utiles, les questions préjudicielles sont libellées comme telles :

  1. « La directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur s’applique-t-elle à une règlementation nationale relative à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme telle que l’article 98 du Code bruxellois de l’aménagement du territoire (CoBAT) qui vise formellement de la même façon les prestataires d’une activité de service au sens de cette directive et les personnes agissant à titre privé, mais qui, dans l’interprétation qui en est recommandée par la circulaire ministérielle explicative du 10 mai 2016 relative aux missions de la Commune et du Bourgmestre dans le cadre de l’exécution de l’ordonnance du 8 mai 2014 relative à l’hébergement touristique, soit une autre règlementation en matière de tourisme qui rentre dans le champ d’application de cette directive, affecte en pratique uniquement à tout le moins principalement l’accès à cette activité ou son exercice ? »
  2. « En cas de réponse négative à cette première question, cette règlementation nationale relative à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme peut-elle ou doit-elle néanmoins être prise en considération pour apprécier la compatibilité avec la directive 2006/123/CE de la réglementation précitée en matière de tourisme, dès lors que cette dernière inclut en son article, parmi les critères d’octroi d’une autorisation préalable, une attestation de conformité à la règlementation nationale relative à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme, et ce, notamment eu égard à l’interdiction du double emploi des conditions d’octroi avec des exigences ou contrôles équivalents ou essentiellement comparables auquel est déjà soumis le prestataire de services (article 10, 3 de la directive) ? »
  3. « L’article 9 de la directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, s’oppose-t-il, sous l’angle de l’exigence de proportionnalité, à un régime légal qui soumet à une déclaration préalable et à un enregistrement l’exploitation de tout logement équipé du mobilier nécessaire pour se loger et cuisiner et incluant, le cas échéant, des services de type hôtelier moyennant un supplément de prix, proposé pour une ou plusieurs nuit, à titre onéreux, de manière régulière ou occasionnelle, à des touristes, au motif principal qu’il convient de protéger les touristes et au motif subsidiaire (et implicite) qu’il permet la protection de l’environnement urbain, qui impliquerait la protection du logement ? »
  4. « L’article 10 de la directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, s’oppose-t-il à un régime légal qui soumet à une déclaration préalable et à un enregistrement l’exploitation de tout logement équipé du mobilier nécessaire pour se loger et cuisiner et incluant, le cas échéant, des services de type hôtelier moyennant un supplément de prix, proposé pour une ou plusieurs nuit, à titre onéreux, de manière régulière ou occasionnelle, à des touristes, ce qui implique notamment de produire une attestation de la commune où est établi l’hébergement touristique concerné confirmant que cet hébergement est établi dans le respect de la règlementation relative à l’aménagement du territoire et aux règles urbanistiques en vigueur, dès lors que la règlementation nationale relative à l’aménagement du territoire et à l’urbanisme impose l’obtention d’un permis d’urbanisme en cas de changement d’affectation ou de destination d’un bien immobilier de « logement en « établissement hôtelier » et que l’exploitation d’un logement dans le sens précité serait qualifiée d’établissement hôtelier, compte tenu de la façon dont cette dernière notion et celle d’hébergement touristique sont respectivement définies dans les règlementations en cause ? »
  5. « La réponse à la question précédente est-elle différente selon que la qualification de ce que constitue un « établissement hôtelier » est, ou non, laissée à la discrétion de l’autorité communale telle qu’encadrée dans une circulaire ministérielle ? »
  6. « L’article 13 de la directive 2006/123 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur, s’oppose-t-il à un régime légal qui soumet à une déclaration préalable et à un enregistrement l’exploitation de tout logement équipé du mobilier nécessaire pour se loger et cuisine et incluant, le cas échéant, des services de type hôtelier moyennant un supplément de prix, proposé pour une ou plusieurs nuit, à titre onéreux, de manière régulière ou occasionnelle, à des touristes, ce qui implique notamment de produire une attestation de la commune où est établi l’hébergement touristique concerné confirmant que cet hébergement est établi dans le respect de la règlementation relative à l’aménagement du territoire et aux règles urbanistiques en vigueur, dès lors qu’aucun délai n’est prévu pour la délivrance de cette attestation, qu’aucune obligation particulière de motivation n’est imposée et qu’aucun recours spécifique n’est prévu ? »
  7. « En cas d’illégalité au regard du droit de l’Union européenne de la condition relative à la production d’une attestation de conformité urbanistique, le droit de l’Union impose-t-il l’exclusion de cette seule exigence ou de l’intégralité du régime de déclaration préalable et d’enregistrement ? ».
UP !