Modification de l’Arrêté royal du 7 janvier 2014 : La vente directe de la viande de gibier du chasseur au boucher, entre risque sanitaire, concurrence déloyale et respect du droit européen.

21/01/2025

Les récents arrêtés royaux du 25 décembre 2023 (M.B., 26 janvier 2024) et du 14 avril 2024 (M.B., 24 avril 2024) ont apporté des modifications significatives à la législation belge sur la commercialisation de la viande de gibier par des particuliers en facilitant la vente en directe.

Le Ministre en charge soulignait que : « Ces mesures sont importantes pour stimuler l’économie locale, encourager la production durable et locale et renforcer la confiance des consommateurs dans la qualité des produits alimentaires belges. »

Cette législation permet aux chasseurs de vendre un ensemble de têtes de gibiers directement au commerçant détaillant (deux pièces de gros gibier et vingt pièces de petit gibier par chasseur par période de 6h de chasse continue).

Cependant, cette facilitation de la vente directe de gibier n’est pas sans conséquence.

Elle présente comme le pointe le Comité scientifique institué auprès de l’AFSCA des risques sanitaires dans le cadre de la vente de gibier.

Or, la vente directe par des particuliers n’est, en effet, pas soumise aux mêmes règles strictes que celles imposées aux professionnels du secteur.

En permettant et en augmentant la quantité de vente de gibier pouvant être vendu, ces arrêtés questionnent :

On se permettra de s’interroger sur l’opportunité de cet allègement dans notre pays qui a connu un ensemble de crises sanitaires impactant la faune sauvage (peste porcine, grippe aviaire …).

Si l’Économie locale doit être soutenue, son développement ne doit pas se faire au détriment de la santé du consommateur.

Un cadre européen flexible

D’un point de vue légal, ces arrêtés royaux bénéficient d’une exception prévue par les règlements européens n°853/2004 et 852/2004.

Ces règlements stipulent que leurs dispositions ne s’appliquent pas « aux chasseurs qui approvisionnent directement le commerce de détail local fournissant directement le consommateur final, en petites quantités de gibier sauvage ou de viande de gibier sauvage. » (art. 1, 3., d))

Le gouvernement belge interprète cette notion comme permettant la commercialisation de deux pièces de gros gibier et vingt pièces de petit gibier, abattues au cours d’une période continue de six heures de chasse. La conformité de ce chiffre eu égard droit européen interroge.

Le considérant 13 du règlement n°853/2004 précise que :   « Les États membres devraient disposer d’une certaine marge, dans le cadre du droit national, pour étendre ou limiter l’application des exigences prévues par le présent règlement aux activités de détail. Toutefois, ils peuvent limiter l’application uniquement s’ils estiment que les exigences prévues par le règlement (CE) no 852/2004 sont suffisantes pour atteindre les objectifs en matière de sécurité alimentaire ».

Rappelons que cette règlementation a vocation pour des motifs de santé publique à s’appliquer à l’ensemble des denrées alimentaires d’origine animale et que les exceptions à cette règlementation doivent être limitées et d’interprétation stricte.

La Cour de Justice de l’Union européenne considère, à ce titre, que «  les États membres ne sauraient adopter des dispositions limitant la portée du règlement n°853/2004 ». (C.J.U.E., arrêt du 21 mars 2024, C-10/23, §61)

Ainsi, « Afin d’assurer la solidité et l’effectivité du système mis en place et de veiller au bon fonctionnement du marché intérieur, il semble impératif que ces exigences soient respectées dans l’ensemble des États membres et par l’ensemble des producteurs et exploitants du secteur. Si une certaine souplesse peut être admise, elle ne doit en aucun cas venir compromettre les objectifs en matière d’hygiène alimentaire » (Av. gen. M. NILS WAHL, Ccl préc. 30 novembre 2017, C‑426/16, §69).

Dans un contexte où un organe d’avis (le Comité scientifique institué auprès de l’AFSCA) émet des réserves, on se permettra de douter de la conformité du droit belge au droit de l’Union.

Conclusion : deux questions en suspens

  1. La définition belge de petite quantité est-elle conforme au prescrit communautaire ou vient elle limiter illégalement la portée du règlement n°853/2004 et créer une distorsion de marché ?

Il en résulte que si cette législation à ces vertus, elle interroge tout autant en opportunité qu’eu égard à sa légalité…

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